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Portrait de shi

Shi est le seul protagoniste de cette pitoyable histoire à avoir vraiment choisi. Je veux dire: effectué des choix, à rebrousse-poil du destin qui voulait lui imposer des catastrophes. À plusieurs reprises, je l'ai vu tout brûler sous ses pas pour sauver ce à quoi il avait décidé de tenir. Il a tout donné à une science, tour perdu pour un ami et tout risqué pour une femme. Bien sûr, encore plus que d'une grande âme, ce genre d'attitude procède d'une grande chance. La première chance de shi résidait dans sa capacité innée à vouloir. Vouloir n'est pas donné à tout le monde. Il faut naître avec des yeux qui voit clair, un cerveau qui décide vite et des bras assez puissant pour agir. Par là-dessus, il faut suffisamment de talent pour que ce que vous voulez, que ce soit une femme, une amitié ou une science, veuille de vous. Et il faut encore la dose suffisante d'orgueil pour estimer que cette science, cette amitié ou cette femme vaut la peine qu'on se donne puisqu'elle est choisie par vous. L'ensemble de ces qualités fait de shi une espèce peu commune. Vous comprenez maintenant pourquoi je n'ai pas donné à cet homme le rôle principal de mon histoire: trop de perfection fatigue. Le souvenir de shi a toujours été pour moi un bon remède contre la tentation du suicide ou du meurtre de masse. On peut estimer que l'humanité n'a pas tout raté, puisqu'elle réussit de temps en temps des créatures comme lui.

Catherine Dufour - Le goût de l'immortalité