Affiches publicitaires du futur
Ternies, tachées, déchirées, floues — elles devaient être en 3D ou holographiques —, elles étalaient néanmoins clairement les désirs et fantasmes d’une époque où il était encore possible d’acquérir toutes ces merveilles: une voiture électrique-hydrogène, à base de matériaux recyclés, qui n’émettait aucune pollution; une peinture de façade solaire, qui apportait «20% d’énergie supplémentaire a votre maison de campagne»; des plats micro-ondables (qu’est-ce que ga voulait dire?) à base de légumes bio de culture locale; des croisières en voilier vers des pays dont elle n’avait jamais entendu parler; des spectacles «avec de vrais acteurs, garantis sans holos»; des systèmes d’alarme et antieffraction sophistiqués («ne redoutez plus les invasions!»); des nanopuces implantées, rendant la communication « aussi naturelle que la respiration»; et des climatiseurs, des lotions anti-UV, des recycleurs d’eau, des « potagers d’appartement» qui dénotaient déja une lutte dérisoire — mais lucrative — contre l’inexorable… Découvrant à la lueur vacillante de la torche toutes ces merveilles des temps jadis, Paula en a eu les larmes aux yeux, à imaginer comment vivaient les gens de cette époque qui prenaient encore le métro pour aller au travail, faire leurs courses, voir des spectacles ou des amis, achetaient des lotions anti-UV et des plats « micro-ondables», et, calfeutrés chez eux sans avoir à redouter les «invasions», rêvaient de cette croisière en voilier aux Maldives qu’ils ne pourraient jamais s’offrir…
Jean-Marc Ligny - Exodes