Voilà un livre qui donne envie de se cuisiner de spaghettis, de quitter son travail du jour au lendemain pour devenir homme au foyer, de s’isoler au fond d’un puits à sec pendant plusieurs jours en jeûnant, de faire des rêves érotiques, de s’asseoir sur un banc et de regarder les gens passer pour laisser venir à nous la solution à nos problèmes.

Oiseau à ressort - by Trish Steel

Trish Steel / CC BY-SA 2.0

C’est aussi le premier livre d’Haruki Murakami que je lis sombre au point de faire peur, et d’angoisser. C’est même un roman difficile à lire dans l’obscurité, par exemple le soir dans son lit, sans ressentir le besoin de vérifier par dessus son épaule qu’il n’y a aucune présence indésirable, anormale, derrière soit.

On y reconnaît certains des thèmes habituels de Murakami: des femmes qui disparaissent; «la crise de la trentaine», avec des personnages qui se retrouvent dans une vie qu’ils n’ont pas choisie. Le thème du fil ténu qui sépare une réalité d’une autre réalitée, avec cette question qui accompagne le narrateur : « À quel moment les choses ont commencé à ne plus se dérouler comme elles sont supposer le faire, à quel moment suis-je passé de l’autre côté ? ».

Le thème de la fidélité, très présent, est plus original pour un roman de Murakami. Fidélité en amour et dans le mariage : le narrateur, quitté par sa femme, va tout faire pour la retrouver et la récupérer. Fidélité aux principes, à ce qu’on est, à ce qu’on est supposé faire. Cet attachement à des valeurs guide le héros que traversent des réflexions telles que « Combien de temps dois-je rechercher un chat disparu ? », « Ai-je le droit de quitter, de fuir, ma maison sans avoir résolu les problèmes qui y sont liés, dont je perçois à peine l’existence ? »

Mais ce qui distingue avant tout ce livre des autres livres du même auteur est le sentiment d’angoisse, jamais aussi fort, lorsque le thème du Mal est abordé. Dans l’histoire le mal, sentiment diffus d’un secret malsain, chose étrange qui poursuit le héros narrateur dans les rêves, est incarné principalement par Noboru Wataka, son beau frère.

Il se présente aussi concrètement dans des actes du passé, commis dans les années 30 et 40 par des japonais, des soldats russes sur le continent chinois et dans les mines du goulag.

Voilà donc un livre d’Haruki Murakami, toujours agréable à lire, mais plus noir, moins léger que les autres.